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samedi, 18 avril 2020 08:22

Bougez - Restez confinés by Audrey

Ça sonne presque comme un comble. Voici mon quotidien depuis le confinement alors que je suis atteinte de la maladie de Charcot.

Cela fait quatre semaines que je suis confinée à la maison avec mon mari et mes deux enfants. Étant une personne à risque, mon mari a des congés exceptionnels pour prendre soin de moi.

Tout d’abord, nous avons interrompu toutes les interventions extérieures. C’est-à-dire aucune auxiliaire de vie n’intervient à la maison. Notre aide-ménagère, qui emmène également les enfants à l’école et va les chercher ne vient plus à notre domicile. Le kiné a également interrompu ses séances.

À présent c’est mon mari qui gère toutes ses tâches. Il est épaulé bien sûr par nos deux enfants de 10 et 8 ans. Tous les matins c’est lui qui me prépare afin que j’endosse mon nouveau rôle de professeur des écoles. Tous les matins pendant trois heures je joue la maîtresse d’école de CE2 et de CM2. Ce n’est pas toujours facile. Il faut beaucoup de patience. Mais la patience, je l’ai acquise grâce à cette fichue maladie.

Tous les après-midi, je suis le coach sportif des enfants. J’enchaîne les exercices de basket, de danse hip-hop, de course à pied, de badminton, de capoeira, de lancer de poids, de sauts en longueur, et bien d’autres encore. Parfois je mène des activités créatives.

Ensuite c’est l’atelier lecture ! Chacun prend son livre et se plonge dans son histoire. C’est mon mari qui me tourne les pages.

Ce que j’apprécie depuis le début du confinement c’est d’être avec ma famille. Je n’ai plus un moment où je suis seule à ruminer mes angoisses. Nous n’avons pas le temps de nous ennuyer, dans la maison il y a toujours page en quelque chose à faire. Et je suis une maniaque du rangement !

Dur dur quand on est tétraplégique. Heureusement je sais soumettre des idées… La maison commence à être nette.

Nous ne prenons aucun risque, nous ne sommes pas sortis, nous nous contentons du jardin. Nous nous faisons livrer, et les autres choses que nous avons besoin. Et sinon on se passe de certaines choses. Les kilomètres au compteur de mon fauteuil électrique n’avancent pas beaucoup !

En revanche ce qui me manque, c’est le travail, voir mes proches et mes amis, me balader au bord de mer. Mon auxiliaire de vie préférée : Aude. Ce qui me gêne le plus c’est que j’ai l’impression que mon mari fait tout. Parfois j’évite de le solliciter pour ne pas le fatiguer, ou l’embêter. Ma frustration est de ne pas pouvoir aider plus les gens. Nous avons déposé une carte de soutien à une personne âgée de notre rue, nous avons partagé du sirop de menthe fait maison, tout ça déposé sur le pas de la porte sans aucun contact humain. Et bien sûr nous sauvons des vies en restant chez nous ! Quand j’ai le sentiment que ce n’est pas suffisant, ça me console un peu.

En soirée, mon mari fait le kiné. J’ai quelques douleurs au dos que j’apprivoise avec une bonne méditation. À 19h30, nous dansons pendant les 10 minutes du peuple. Et à 20 heures j’ai une pensée pour nos soignants.

Dans mon jardin, j’observe la nature qui s’exprime. Ce matin une huppe est venue se poser sur mon mur. Je badine au soleil. On pourrait se croire au paradis, mais j’ai bien conscience des risques de ce coronavirus.Toute la famille en a conscience et agit en conséquence. Je mesure la chance que j’ai dans cette situation d’être entouré de mon mari et de mes enfants, dans une maison. Courage à vous tous. Ne prenez aucun risque pour vous ou pour les autres. Notre prochaine rencontre n’en sera que plus belle.

Je vous embrasse tous très fort.    

Audrey Tellier