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dimanche, 10 mai 2020 17:24

Bougez - Restez confinés by Lydie

Confinée, confinée, est-ce que j’ai une gueule de confinée, moi ?

Confinement, voilà un mot bien lointain de moi, alors que j’y suis tous les jours depuis 12 ans. Jusqu’au jour où … … tous à égalité, ou presque

Le 12 mai 2010, on m’annonçait enfin un diagnostic, après 2 ans de recherches. N’importe quoi mais un diagnostic, svp, un médoc ou deux, qu’on passe à autre chose. Je ne m’attendais pas à un nom barbare, inconnu au bataillon « Maladie de Charcot » !

Vivre seule, un choix assumé bien avant la maladie, liberté choisie depuis des années, j’ai l’avantage de ne pas souffrir de solitude. Même je la revendique, elle m’est si précieuse.

Le 17/03/2020, mon infirmière est arrivée avec un masque, des gants, une sur-blouse.

L’heure était grave, du jour au lendemain, comme si une bombe nucléaire était tombée. Aujourd’hui sera encore plus différent qu’hier soir. Pourtant, il n’y a que 12 heures de différence. Demain ne sera plus jamais comme avant.

Ok j’avais entendu le discours du Président la veille, mais la seule chose que j’ai retenue, ou du moins qui m’intéressait, c’est que je devrais encore attendre pour faire connaissance avec ma petite fille, née le 23/01/2020.

L’auxiliaire de vie du mardi matin, (1er jour du confinement) était en stress total, panique à bord. J’ai essayé de la calmer mais rien à faire, trop peur de l’inconnu, trop de questions sans réponse, de doutes. C’était à se demander qui était là pour l’autre (sourire).

Dans un premier temps, je n’ai pas ressenti d’inconvénients au début, si ce n’était calmer tout le monde, qui eux étaient obligés de sortir, prenaient des risques en venant chez moi. Il y a même une IDE, sur un ton de reproche, qui m’a dit que moi j’étais privilégiée. Comment devais-je le prendre ? Heureusement, je sais retourner les phrases en positif.

Du jour au lendemain, tous mes rendez-vous ont été annulés. Même mon neurologue m’a téléphoné en personne. Plus de stress pour maintenir les horaires, incroyable une zen-attitude s’installe alors que je ne doutais pas du tout que j’étais constamment sur le qui-vive.

Je suis bien suivie par mes infirmier(e)s tous les jours (soins, douche) et ma kiné du lundi au samedi pour me maintenir avec les machines respiratoires (pas le choix).

Comme je tiens à rester sereine, je me suis déconnectée des médias très rapidement, un seul journal télévisé par jour. Même si je vois les inquiétudes augmenter dans les comportements et les échanges, de toute façon, qu'on le veuille ou non, on a toujours des nouvelles. J’ai appris à faire le tri des infos « sérieuses » où tout le monde sait tout, les complots, les preuves, les « on nous ment », etc. Je ne dis pas que c’est vrai ou non, mais j’ai décidé de ne pas m’encombrer la tête avec le vrai du faux, surtout que tout change sans arrêt. C’est déjà assez compliqué comme ça.

J’avais deux choses qui me tenaient à cœur :

  • Mes petits-enfants, Ayden 4 ans et Théa, à peine 2 mois (merci les téléphones illimités, les sms, les photos, les vidéos et les visiophones)
  • Et Maman (90 ans le 11/02/2020) qui habitait vers Orléans dans le Loiret.

Alors là, c’était une autre chanson !

Elle s’est éteinte le 1er avril, mauvaise blague. C’est tout elle ça !

Bien sur, avec le confinement, pas possible de l’accompagner vers les étoiles.

Avec 700 kms de distance, je crois que je ne réalise pas trop, à part le manque de nos conversations téléphoniques à point d’heure. On adorait regarder ensemble les pièces de théâtre. On avait toujours une expression, avant de raccrocher : « Bon allez, comme d’hab., la première arrivée réserve la place à l’autre. A tout à l’heure » Comme ça, on continuait à être ensemble. Parfois même on s’envoyait des sms quand une scène était trop hilarante.

Les pièces de théâtre n’ont plus la même saveur depuis mais je lui garde toujours sa place quand même, au cas où (celle où on met sac et manteau pour ne pas qu’on me la chipe). Je me raccroche aux bons souvenirs avec elle pour tenir le coup, heureusement il y en a plein.

Mon corps me rappelle à l’ordre de temps en temps, palpitations, diabète qui s’affole, douleurs diverses, manque de motivation, procrastinations.

Ayant des insomnies (comme la chanson de Nicole Rieu « Où vont les mots » qui commence par « Maudite insomnie, encombrée de si … »), je dormirai toute la journée. Faut bien que je récupère de temps en temps. « Après tout, je m’en fous »

Merci YouTube, richesse infinie, je découvre de nouveaux artistes, les rdv quotidiens me comblent. Si une chanson me plait je me la passe en boucle.

Ouffff, mes auxiliaires de vie veillent au grain. Elles sont au top ++++ 

Quand il fait beau, elles me motivent pour sortir faire un tour de village. Comme la montagne est sublime, les fleurs nous embaument, je fais quelques photos. C’est comme ça que j’ai découvert les fleurs d’ortie mauve, on dirait des mini orchidées. Dans le doute, j’ai touché pour voir si c’était bien ce que je pensais. Fou rire, je confirme !

Je me ressource, je respire, j’oublie.

Avec les filles, on a plus de temps pour faire d’autre chose, trier les cartons oubliés au fond des armoires, je raconte mes souvenirs, fais du tri, du vide, moins d'ordinateur. On fait ensemble des exercices d’orthophonie, des praxies (grimaces), vire langues, et puis le plus important, respiration, relaxation et méditation.

J’ai beaucoup de chance de vivre dans un appartement, rez-de-chaussée avec une grande terrasse fleurie et ensoleillée, dans un petit village, à la montagne, loin du speed de la ville, de la folie à la course aux temps.

Tout le monde « joue le jeu » autour de moi pour me protéger.
Oui, c’est vrai, JE SUIS PRIVILÉGIÉE de rester enfermée chez moi et je ne vous en remercierai jamais assez de me protéger comme vous le faites.

Hâte de reprendre un semblant de vie sociale, la balnéo, mon orthophoniste, mes cours d’informatique, aller boire un coup en terrasse, retrouver les sourires des commerçants, se croiser, parler futilité et passer plus de temps à discuter sur mon petit marché (1er samedi du mois, à ne pas louper).

Prenez soin de vous, de ceux que vous aimez.

Ne brûlez pas les étapes.

Ne vous en faites pas, reviendra le temps de se faire des bisous, des papouilles, des câlins, de se toucher enfin.

Soyez heureux d’être encore aimés, même de loin ou d’un simple regard.

Lydie, la Brindille